Alors qu’on continue à se battre pour faire reconnaître les difficultés du post-partum et de façon plus large, celles des enjeux périnataux pour les jeunes parents; alors qu’on parle des 1000 jours et de ce congé maternité absurdement cours, une victoire va arriver: celle du congé paternité rallongé dès le 1er juillet 2021 (il passe de 11 ou 18, à 25 ou 32 jours calendaires selon les situations).
Alors que toutes les futures mamans se réjouissent d’avoir un papa plus présent dès le début de cette nouvelle vie, j’ai été atterrée d’entendre ma propre moitié me dire avec la plus grande simplicité « moi je ne pourrais pas prendre un congé aussi long ».
Après avoir sagement déglutie, et être passée par le rouge puis le blanc, j’ai cherché le sens de cette phrase. Plusieurs solutions: 1/ il pense qu’il est indispensable au travail versus des femmes à des postes de responsabilités 2/ il ne peut pas envisager pouponner pendant tout ce temps, à plein temps car il n’éprouve pas d’intérêt personnel 3/ il n’a pas bien écouté la question et a répondu trop vite.
Malheureusement, il n’a pas choisi la réponse espérée. Difficile de croire que le papa de mes propres enfants ne peut pas concevoir la nécessité de ce congé pour des raisons professionnelles. Ainsi, nous sommes loin de l’enthousiasme total des premiers concernés qui se retrouvent plutôt coincés entre une opportunité légale réclamée et acclamée par leur femme, et une preuve supplémentaire de la triste réalité d’ une société qui (majoritairement) ne voit pas ce congé comme une nécessité sociale, familiale, humaine.
Pourquoi ai-je tant de mal à lui comprendre cette réaction? Ne fait-il pas partie de la nouvelle génération de papas? N’ai je pas assez crier haut et fort qu’il était le meilleur papa du monde: dévoué, disponible, appliqué?!
Je voies aussi auprès de mes élèves de yoga pré et postnatal des papas soucieux, présents, prévenants et impliqués. Pas plus tard qu’hier, je discute avec mon frère, jeune papa. Biberons, couches, bains, nuits complètes, sorties, massages, moments d’éveils, discours de réassurance pour son bébé, besoin de savoir, de comprendre et d’être nourris d’expérience et de conseils: une bouffée de fierté m’a envahie! Mon frère est un super papa, et surtout encore une preuve: il n’y a aucune différence entre ce qu’une mère peut faire en sortie de maternité versus un père. Ils peuvent, ils savent, ils sont capables.
Mais la capacité semble généralement impliquée par la nécessité. Le relais de cette prise en charge intervient souvent quand la maman a déjà fait tout ce qu’elle pouvait avant de se retrouver épuisée, qu’elle est en dépression post-partum ou hospitalisée pour des soins médicaux. Le soutien des papas est désormais une évidence, ils participent naturellement. Mais dans combien de générations ils auront des comportements proactifs (sans contexte d’urgence) et non réactifs?
Papa peut gérer quand on lui demande (oui surtout quand il y a des to do list affichées partout dans la maison). Mais quand est-ce que papa va demander lui même de prendre les commandes? Comment amener la nécessité de ce congé paternité comme une évidence?
Comme il faut bien commencer quelque part, je jette quelques idées à explorer:
- Pourrait-on imaginer une préparation prénatal pour les pères ?
- comment s’occuper d’un bébé qui vient de naître (biberon, couche, l’habiller, le bercer… des choses simples que beaucoup n’ont jamais pratiqué sur des poupons, ce qui en fait des gestes non naturels), comprendre sa physiologie et ses besoins (pourquoi un bébé pleure, comment savoir si c ‘est de la faim…) Tout cela est aperçu « rapido presto » à la maternité alors que les émotions et la fatigue emportent déjà tout sur leurs passages…
- comment s’occuper d’une maman qui vient d’accoucher (pourquoi elle doit être alitée au moins la 1ere semaine, que lui proposer à manger, comprendre ses pleurs et le baby blues, détecter la dépression post partum…), gérer ses propres émotions de papa…
- Pourrait-on imaginer un suivi en post partum: c’est après avoir écouter le podcast du 2 avril 2021 de la Matrescence sur le burn out parental qu’il m’est apparu nécessaire d’en parler. Statistiquement, moins de pères font l’objet de burn out car ils sont soumis à moins de facteurs de stress relatifs à la prise en charge de leur bébé voir l’éducation de leur enfant dans sa globalité. Pourtant, Isabelle Roskam, professeur de psychologie et chercheuse souligne bien que les papas sont plus sujets que les mamans au burn out dans le sens où ils supportent moins de facteurs stressants que la maman si on observe leur balance « facteurs de stress et facteurs apaisants ». Ainsi, un soutien du père, à la fois en tant que père et en tant qu’homme (impact sur le couple, au travail, exploration de la relation avec son enfant..), au même titre que le suivi de la mère en tant que maman et femme ( soin de suites de couches, suivi psychologique, rééducation périnéale…) permettrait de mettre à égalité le père et la mère dans leur implication et dans le soutien qu’ils reçoivent pour y répondre.
- Dans une perspective moins légale mais plus pratique, devrions-nous, futures/jeunes mamans, apprendre à laisser plus de place au papa? Parfois les papas montrent du désintérêt, souvent la situation liée au congé maternité/à la gestation/aux modèles sociaux invite la maman à prendre la situation en main. Mais de plus en plus, on peut aussi entendre le témoignages de papas qui aimeraient en savoir plus, en faire plus. Des papas concernés par toute la charge mentale impliquée par l’arrivée d’un bébé décontenancent parfois plus la mère qu’autre chose. Déstabilisée par le désir d’implication du papa, il peut être difficile de faire une place au co-parent et c’est pourtant la 1ere clef afin de changer les modèles et les encourager à continuer. Au quotidien, accepter que l’autre face à sa manière est un challenge pour la jeune mère mais c’est apporter un équilibre au foyer dans la durée. Il faut que nous leur donnions notre confiance, que nous partagions nos savoirs et connaissances pour faire de ces Papas des exemples de ce que peut être une paternité active et épanouie. Confions leur le bébé dès le début, laissons les décider du repas, les habiller, les bercer, les réconforter… offrons nous l’espace de répits dont nous avons besoin pour que dès le début!
Ô toi jeune papa je te salue et te félicite car quoi que tu penses de ce contenu, tu es bien en avance sur ton temps si tu as pris le temps de lire ces quelques lignes ! Bravo pour tout ce que tu fais et que nos anciens ne faisaient pas! Penses maintenant à tout ce que les prochains feront: on peut encore améliorer cette formidable aventure de la parentalité !
*Ce texte a été écrit dans un contexte français, en généralisant des faits pour rester significatif à la majorité.